Critiqué en France, abandonné au Danemark, remanié dans plusieurs pays de l’Union européenne… Le dispositif des certificats d’économies d’énergie (CEE) est régulièrement remis en question. Dans un rapport de juillet 2024, la Cour des comptes n’exclut pas d’en recommander la suppression. De l’avis des analystes d’OTC FLOW France, il serait regrettable de se séparer de l’outil majeur du territoire français pour atteindre ses objectifs de transition énergétique.
Les CEE jouent un rôle central dans les objectifs français et européens de réduction énergétique. L'Union européenne a fixé des obligations ambitieuses pour la période 2021-2030 à travers l'article 8 de la directive 2023/1791/EU, qui vise à réduire la consommation d'énergie primaire et finale de l'UE de 11,7 % d'ici 2030, et impose ainsi à chaque pays membre de développer des plans nationaux pour répondre à ces objectifs.
La France a adopté le dispositif des certificats d'économies d'énergie (CEE) comme outil principal pour atteindre ces ambitions. Pour la 5ème période (2022-2025), les fournisseurs d'énergie sont tenus de réaliser 3 100 TWhc d'économies d'énergie, dont 1 130 TWhc spécifiquement dédiés à des travaux d'efficacité énergétique chez les ménages en situation de précarité énergétique.
Lors de la précédente période (2014-2020), la France a largement rempli les objectifs européens en matière d'économies d'énergie, comme le montrent les résultats liés à l'article 7 de la directive. Preuve que le dispositif des CEE joue un rôle déterminant dans l’avancée de la France vers ses objectifs de décarbonation et qu’il est l’un des piliers de la politique française de maîtrise de la demande énergétique.
Les objectifs européens d’économies d’énergie fixés au titre de l’article 7 (en TWh et en pourcentage de l’atteinte des objectifs) ont été largement remplis par la France grâce au dispositif des CEE.
Pourtant, dans son dernier rapport de juillet 2024, la Cour des comptes n’hésite pas à remettre en question l’efficacité du dispositif et souligne une complexité croissante, un coût important répercuté sur les ménages, des résultats énergétiques surestimés ainsi que des fraudes persistantes. Ces critiques soulèvent des interrogations légitimes sur l’avenir du dispositif.
Alors faut-il repenser entièrement le modèle ou le réformer en profondeur ? Si des alternatives sont suggérées, elles comportent elles-mêmes des inconvénients notables, au risque de rendre le remède pire que le mal. Dès lors, comment continuer à faire des CEE un levier central de la transition énergétique tout en répondant aux défis identifiés ? Nous avons listé quatre de ces propositions.
Sur la table : une proposition de remplacer les CEE par un fonds budgétaire pour financer les travaux d’efficacité énergétique. Si elle offrait une meilleure mainmise de l’Etat sur le dispositif, cette solution ne résout toutefois pas les difficultés structurelles pointées dans le rapport de la Cour des comptes, à savoir la fraude, l’écart entre les économies théoriques et réelles, et le coût supporté par les ménages.
En plus de peser sur les ménages, la mise en place d’un fonds budgétaire entraînerait des coûts supplémentaires pour l’État, notamment en termes de gestion et de mobilisation de ressources administratives. Les expériences passées avec des dispositifs comme Ma Prime Rénov' ont montré que des retards dans la gestion des dossiers et des délais de paiement peuvent parfois ralentir la prise en main du dispositif par les acteurs de la rénovation énergétique, voire limiter leur volonté d'y avoir recours.
L’idée d’imposer une obligation de résultats, où les économies d’énergie réelles seraient la seule référence, semble séduisante, mais se heurte à des difficultés majeures. Si un consommateur change ses habitudes de consommation après la réalisation des travaux, l’entité ayant financé l'opération serait pénalisée et n’obtiendrait dès lors plus aucun certificat.
Il faudrait alors obliger les consommateurs à maintenir une consommation énergétique réduite, ce qui serait difficilement applicable, notamment dans le cas des industriels dont la production pourrait augmenter. Une telle contrainte rendrait le dispositif encore plus complexe et risquerait de décourager les investissements.
Limiter le dispositif à certains secteurs d’efficacité énergétique, comme certains le suggèrent, reviendrait à exclure d’autres secteurs cruciaux qui nécessitent également des rénovations.
Certains acteurs, en particulier dans l’industrie et l’agriculture, ne pourraient plus bénéficier des financements via les CEE, ce qui limiterait les opportunités de rénovation dans des domaines clés. En conservant une approche globale, les CEE permettent d’encourager les économies d’énergie dans tous les secteurs, assurant ainsi une transition énergétique équitable et inclusive.
Transformer les CEE en certificats d’économies carbone, en lien direct avec les émissions de CO2 pourrait être une idée tentante, mais cette approche, bien qu'intéressante, ne résout pas les problèmes existants.
En France, une économie d’énergie est déjà synonyme d’économie carbone grâce à l’intensité carbone relativement faible du mix énergétique. D’autant que certaines fiches d'opérations strandardisées - comme celles sur les chaudières à gaz, qui réduisent la consommation d’énergie mais augmentent les émissions de CO2 – pourraient être exclues. Plutôt que de réformer tout le dispositif, il suffirait de revoir ces fiches pour mettre les objectifs énergétiques et climatiques au diapason.
L’un des sujets sensibles autour des certificats d’économies d’énergie concerne leur coût pour les ménages. Selon la Cour des comptes, en 2023, chaque ménage a payé en moyenne 164 euros sur sa facture d’énergie pour financer ce dispositif. Bien que cela soit perçu comme une contribution modérée, les études montrent que ce coût pourrait augmenter si les objectifs d’obligation des CEE venaient à être renforcés.
Une étude de Colombus Consulting estime que, pour les scénarios envisagés par les pouvoirspublics, le coût moyen pour un ménage pourrait se situer entre 450 et 912 euros par an. Cette augmentation, liée à un prix de marché de 11 €/MWhc, soulève des questions quant à l’équilibre entre le financement du dispositif et les bénéfices en termes de baisse de la consommation d’énergie.
Les CEE contribuent aux objectifs nationaux et européens de neutralité carbone d’ici 2050 et de réduction de 55 % des émissions de CO2 d’ici 2030. Toutefois, les primes offertes ne suffisent pas toujours à déclencher des rénovations, et des mesures complémentaires, comme des obligations légales (par exemple le décret tertiaire), pourraient être nécessaires.
Enfin, le dispositif avantage les ménages qui réalisent des travaux puisqu’il réduit leurs factures énergétiques à long terme. Cependant, il pénalise les « non rénovateurs », qui financent en partie les économies réalisées par les autres. Une telle situation renforce notre conviction qu’une meilleure répartition des gisements d’économies pourrait équilibrer cet impact.
On l’a vu, le dispositif des CEE n'est pas exempt de critiques, mais après 18 ans d'existence, il a prouvé son efficacité en soutenant des millions d’opérations de rénovation énergétique. L'amélioration du dispositif pour permettre, comme le souligne la Cour des comptes, un alignement entre économies réelles et théoriques doit, selon nous, passer par des réformes ciblées, notamment :